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Les Caraïbes, oui, mais où sont les pirates ?

07 avril 2024 Néphyla est au mouillage en terre française, Aux Saintes, Guadeloupe, France.


Si je parle de terre française, ce n’est pas par nationalisme, c’est parce que les abonnements bizarres et connexions épisodiques des ex-colonies anglaises font une différence énorme en terme de communication, téléphone et accès à internet. A ceci près, toutes les îles des caraïbes se ressembleraient ? Non. Ci-dessous la liste des « petites » différences notables que nous avons repérées et qui font paraître la vie en métropole très différente. Les Caraïbes anglaises sont particulières, chacune particulière, même des fois très particulière.

Les îles que nous avons visitées du sud au nord: St Vincent & Grenadines (Meyreau, Tobago Cays, Bequia), St Lucia, Martinique, Dominica, Guadaloupe (Les Saintes, Guadeloupe). J’ai indiqué Dominica, la Dominique, ne pas confondre avec la République Dominicaine, également située dans les Caraïbes mais plus au nord, qui partage une île beaucoup plus grande avec Haïti. Les deux Dominique ont été trouvées un dimanche (Domingo en Espagnol).

La téléphonie et l’accès à internet, déjà dit, monopole dans les îles de Digicel, avec des formules toutes plus compliquées les unes que les autres (ça, ça ressemble à la France !) mais cela veut dire aussi que c’est adapté soit à l’habitant local qui a un abonnement « classique », soit au voyageur qui vient pour une semaine, 10 jours ou 2 semaines. En dehors du chemin balisé, c’est compliqué. Je n’ai donc pas pu lire Le Monde comme à mon habitude le matin, j’ai manqué 40 jours du conflit Israël–Gaza, le tournoi des six nations et j’ai du fouiller ma mémoire pour retrouver la traduction de mots anglais. Heureusement nous sommes arrivés en Guadeloupe à temps pour suivre Paris-Roubaix. Dérisoire…

La musique : A Montendre ou La Rochelle, on n’écoute pas de reggae, pas autant. Bob et ses imitateurs plus récents sont omniprésents sur les ondes, dans les rues, à la terrasse des magasins, je rajoute même sous tous les appentis des maisons de village. Grand moment de musique pour moi, avec notre guide Providence au bout du promontoire du Red Rock à La Dominique,  un chant en duo « Ebony and Ivory » que n’aurait pas renié Paul Mac Cartney et Steevie Wonder. La plage en contrebas est de deux couleurs, l’une noire d’origine volcanique, l’autre blanche d’origine corallienne.

Les maisons, colorées, chatoyantes, originales, mêlant les plus audacieuses teintes des murs aux toits et appendices. Les maisons anglaises (ex anglaises) sont différentes, il faudrait demander à Sophie, la compagne d’André (bateau copain Doo-It) son avis d’experte architecte, mais elle est retournée en France. Alors vous n’aurez que mon avis : Les baraques anglaises ont un petit quelque chose de reconnaissable. 2 catégories principales les riches et les pauvres. Les riches sont « British Caribbean » jusqu’au bout des décors en bois des terrasses, on dirait des maisons de poupée, british, je vous dis; les pauvres, faites de briques et de broc, tôles, parpaings, planches, bidons de plastiques, supports de publicité, fils électriques, j’ai même vus des pneus, en gros tout ce qui traîne peu servir à faire une baraque. Ici, par exemple, aux Saintes, c’est français et ça se voit, toits rouges, murs blancs, coquet, riche. On se croirait à l’île de Ré ou sur la côte cannoise. Pas très exotique, à part le palmier et le bananier dans le jardin ! Sur la Guadeloupe c’est comme en Martinique, grande ville avec un quartier central ancien et déglingué, banlieues misérables ou dégoulinantes de fric, campagnes dont l’infrastructure routière permet l’implantation de maisons isolées partout. Les îles « anglaises » n’ont pas ce défaut, il y a très peu de route et donc très peu de construction hors des villes et villages.

La monnaie, c’est le ECD, l’Eastern Caribbean Dollar. Il vaut 2.5 fois moins qu’un euro, ce que tous les commerçants malins ont traduit en 3 fois moins qu’un euro, plus facile à calculer. A chaque fois qu’on change, on perd. Ici, on a l’impression de se faire arnaquer, ce qui est très différent des banques en France ou on applique un taux de change auquel on ajoute des frais… Au moins chez nous on connait le nom du vol… oups, pardon. Sur les billets, la trombine d’Elisabeth. Je crois qu’après Bouddha, ça doit être la personne qui a le plus diffusé sa photo dans le monde. Un jour, je serai célèbre, il y aura ma photo partout aussi, MDR !

La langue maternelle des locaux n’est pas l’anglais mais le Créole, Kréole, Kryéole, on écrit ça comme on veut, j’ai vu de tout en orthographe. Comme d’habitude, l’anglais est une langue officielle apprise à l’école. Le créole de ces îles est un mélange de vieux français, mâtiné d’une grosse couche d’anglais, avec un zeste d’accent africain à couper à la machette, outil qui ne quitte pas la main de tout bon Caraïbe (pour l’agriculture, couper l’herbe, ouvrir les noix de coco, tailler les hibiscus, etc.). D’après les habitants de la Dominique, les créoles se comprendraient presque entre eux, je n’ai pas pu vérifier. Cela vient de l’histoire de ces îles, souvent découvertes par Christophe Colomb, peuplées par des esclaves en grande partie, colonisées par les français puis les anglais, puis les français, puis… pour finalement aujourd’hui (à l’exception de la Martinique et de la Guadeloupe qui ne sont pas encore indépendantes…) obtenir sans effusion de sang leur indépendance (en 1978, 1979, 1981 suivant le cas).

La météo. Ici, il fait chaud. Dans Néphyla, il fait 29°C la nuit et 32 à 34°C le jour (volets fermés… LOL). Ce n’est pas désagréable, il faut s’habituer. L’eau est à 28 ou 30, voire 32°C ce qui est une bonne température pour plonger sans réfléchir. Cela pourrait paraître pas mal s’il n’y avait cette P. de saison cyclonique qui fait peur à tous les marins et tous les locaux aussi. En Atlantique nord, une trentaine de tempêtes tropicales par an en moyenne avec la moitié qualifiées de cyclones plus ou moins destructeurs. Personne n’y échappe, le nord des Caraïbes étant plus à risque que le sud, mais l’exceptionnel à ses exceptions. La température des eaux de surface des océans en 2023 a battu des records (entre +2 et +4°C suivant les endroits). 2024 est un peu pire du point de vue de l’augmentation (+0.6°C/2023). Certains météorologues craignent des événements exceptionnels plus nombreux ou plus intenses. La population locale attend avec un regard neutre…

 Sans vouloir casser le mythe des îles à cocotier, certaines années n’ont pas été favorables à ces îles qui ont parfois cumulé indépendance, cyclone et volcanisme éruptif. L’indépendance en tant que plaie est ici notée juste dans l’aspect « désorganisation » due au transfert de pouvoir et perte de la manne financière pour aider aux réparations. Une sorte de jackpot inversé pas facile à gérer. Les photos des chalutiers et autres bateaux échoués sur la plage de Portsmouth à la Dominique étaient là pour prouver que les conséquences étaient gravissimes. Il reste d’ailleurs un bateau rouge, rouillé, bonheur des enfants plongeurs en herbe le long de la plage, souvenir de cet ouragan.

Le volcanisme justement, éruptif du type de la montagne Pelée à la Martinique qui a fait 30 000 morts en 1902, en a fait 2000 à St Vincent la même année. Après l’éruption de 1978, ce n’est pas fini. John, le livreur de fruits sur planche de windsurf de Chateaubelair à St Vincent nous a raconté qu’un jour de 2022 (le 08 avril, merci internet) une alerte a été donnée et le nord de l’île évacué. Le 9 avril, le volcan explosait. John et 16000 autres personnes sont restées éloignées de leur domicile pendant 4 mois, le temps que le volcan « la soufrière » ait terminé sa crise.

Les îles « anglaises » de cette région sont beaucoup moins peuplées et aussi plus pauvres que les îles françaises. Ci-dessous un classement des pays en PIB/hab. en dollar US pour se donner une idée.

1       Luxembourg                    35 000 $/hab/an.

22     Royaume-Uni                   46 200 $/hab/an.

23     France                              45 028 $/hab/an.

69     Ste Lucie                          10 610 $/hab/an.               

84     St Vincent & Grenadines 7 491 $/hab/an.

88     Dominique                        6 977 $/hab/an.

NC   Martinique                       24 110 $/hab/an.

NC   Guadeloupe                    23 450 $/hab/an.


Il n’y a pas d’indice de sourire et de gentillesse, sinon, il est possible que les courbes soient inversées. Après ces données très analytiques,  un peu de nature. Comme pour le sourire, on pourrait créer un indice de « naturalité ». A Ste Lucie, première étape de notre Eastern Caribbean Islands Trip, la nature prend le pas sur la population ; moins de routes, moins de voitures, moins de villages. Eboo est notre hôte, pêcheur devenu Boatboy à Soufrière Bay. Il contacte Marcus,  un autre « local » qui nous fait visiter les eaux sulfureuses (rien de coquin, elles sont soufrées !!!) et chaudes qui s’échappent de la terre. On se badigeonne de boue puis on se rince dans des bassins à 38°C, on nage sous une cascade d’eau encore plus chaude au milieu d’arbres immenses aux feuilles gigantesques. Nature, tu nous gâtes.

A St Vincent, au mouillage de Keartons, tout près de Wallilabou, l’endroit où a été tourné le premier épisode de Pirates de Caraïbes, pas de malédiction mais au contraire un accueil chaleureux et familial de Zico et sa maman qui prennent soin de nous avec des denrées pays, des légumes pays, des poissons pays, des colliers pays. Ces gens vivent avec la nature, ils n’ont que ça. Le lendemain, le papa nous amènera des noix de coco fraiches, nous aurons aussi des tomates qui ont le goût de tomates, les premières « bonnes » de notre voyage. Sur la plage de sable noir, suivant l’heure du jour on peut voir les enfants jouer au foot (avec un ballon de basket), les familles venir faire trempette, le cochon et les chiens, les poules et les chats déambuler sur la grève, une maman laver ses enfants, un vieil homme faire ses ablutions. Naturel.

La nature plus loin se montre sous les traits d’un arbre dont les milliers de fleurs minuscules fanent et recouvrent le sol, colorant la terre d’un rose-fuchsia lumineux. A St Vincent, la verticalité des flancs de volcans nous étonne. Spencer nous conduit en voiture sur l’unique route de Keartons vers Cumberland bay, merveilleuse crique digne des plus belles cartes postales, puis Petit Bordel, nom intéressant, même s’il ne représente aujourd’hui rien d’autre qu’un passé manifestement français à un moment donné. On arrive après 1h et 18km de montagnes russes aux Dark View Falls juste après Chateaubelair  L’eau chaude soufrée sort du volcan et on se couvre de boue blanche et noir pour se rincer et… garder au cœur de notre peau pendant 2 jours des molécules d’H2S, dioxyde de soufre à l’odeur d’œuf pourri… Quand le naturel ne rime pas avec Cacharel.

Au mouillage à Chateaubelair, sur la route du retour, nous croisons John, un vieil homme pas très riche, litote, qui pagaie avec une seule rame constituée d’un bout de bois taillé à la machette et d’un bout de plastique attaché, disons n’importe comment. A la Martinique, j’avais récupéré une vieille rame pour bricoler « quand j’aurai le temps ». Ni une ni deux, je finalise mon bricolage pour Néphyla et je prépare le reste pour John qui le lendemain viendra nous dire au revoir tout fier, une « vraie » pagaie dans sa main. Installé sur une vieille planche de windsuf à moitié détruite, il tient entre ses genoux un seau de peinture qu’il a rempli des fruits qu’il a été choisir et cueillir dans la jungle, vers là-bas… Il est vendeur à la sauvette d’un style pour le moins particulier. Ces fruits n’ont pas de nom pour nous, vive les tropiques. Ils sont juteux, nourrissants. Les enfants qui montent à l’arrière du bateau pour qu’on leur donne des gâteaux ou du coca le savent bien. Les fruits de John ? Les meilleurs ! John connait la nature de son île, par cœur. Vous pouvez à penser toutes les définitions du mot cœur dans son cas.

A suivre dans un autre post très bientôt : La Dominique, la cerise sur la Piña Collada.


P&F

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