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La Dominique, la cerise sur la Piña Colada

Dernière mise à jour : 23 avr.

Néphyla est au mouillage, devant Portsmouth, Dominique. Et ça n’a pas été simple d’arriver là.

L’île de la Dominique, au nord de la Martinique, est une escale que nous avons failli ne pas faire. Sur le chemin de la Guadeloupe nous nous sentions pressés. Dérisoires contraintes qui nous obligent. Nous avions vu assez d’îles et voulions passer du temps aux Saintes, petit archipel près de la Guadeloupe. Heureusement le destin et le vent en ont décidé autrement. Revenons quatre jours plus tôt au départ du Marin. Après avoir dit au revoir à Jean-Mi et Sandra, nous nous croyions éloignés pour un bon moment des apéros à rallonge, comme dit Sandra, façon Tontons Flingueurs,

« Mon planteur, il tabasse pas, il hydrate ! ». Truculent !

Première escale au mouillage de Ste Anne, un sms dans la journée nous fait revoir Eric et Sylvie qui nous invitent sur leur bateau justement au même mouillage pour un apéro… On arrêtera l’apéro un autre jour.

Deuxième escale Grande Anse d’Arlet. Il y  a un bon vent qui fait déraper notre ancre. A 1h du matin. Florence, qui avait laissé l’alarme de position allumée (riche idée) et moi bataillons une petite heure à remonter les 40m de chaîne qui ne suffisaient pas pour aller se poser à quelques distance de là mais avec aucun bateau autour de nous. Nous laissons filer cette fois 60m de chaîne et un peu de câblot. Les fonds de roche avec peu de sable ne tiennent pas… Leçon N°157 du parfait petit marin illustré.

Troisième escale accrochés à une bouée en face St Pierre avec pour voisins Laurent (bateau Mi la mi ré) et André (Doo It). Ils partent le lendemain plus tôt que nous et irons directement à Portsmouth, au nord de la côte sous le vent de la Dominique.

Nous allons nous accrocher à Roseau, capitale de l’île où nous sommes presque seuls. Presque ? Alors que Florence et moi sommes assis dans le cockpit en cette fin d’après-midi, un dinghy passe à côté de Néphyla et je leur fait un signe et un hello machinal de marin à marin, une sorte de code de bon voisinage. Le dinghy fait demi-tour « Bonjour Pierre et Florence ! ». Ce sont Gwenaëlle, Ronan, leurs deux filles Ines et Laura, leur nouvelle petite chienne et deux amis à eux qui « passent pas là ». Ils allaient faire faire pipi à la chienne, sinon, ils ne seraient pas sortis. On prend donc l’apéro et on se raconte nos vies depuis le temps où l’on s’est rencontré au Marin fin janvier. Merveilleux voisins de ponton. Le lendemain, soit disant navigation facile entre Roseau et Portsmouth, peu de distance, à l’abri de l’île. Sauf que…

Quatrième escale, la bonne. L’arrivée à Portsmouth a été musclée. Tribord amure 15/20 nœuds tout le long de l’île, le vent tourne et nous voilà bâbord amure et moitié moins dans les voiles. La nature il y a quelques millions d’années a fait pousser un joli volcan qui a généré une belle zone d’accélération de vent. La baie est en vue quand le vent retourne à nouveau et forci. 20 nœuds, puis 25, 30, 35, jusqu’à 38 nœuds dans les rafales (petit rappel, 38 nœuds, c’est beaucoup beaucoup, surtout au près). Nous remontons vers la zone de mouillage avec difficulté, les voiles vibrent, ivres de la vitesse des filets d’air qui se bousculent pour faire pencher et lofer Néphyla. Mais Florence a eu raison ce matin, nous avions mis la garde robe réduite, 2 ris GV et la trinquette. Je barre quelques minutes comme ça pour sentir le gros vent, m’entrainer à naviguer au près, il va falloir bientôt ramener notre esquif à travers l’Océan. Nature, tu es forte, je l’ai bien senti, je ne l’oublierai pas. Bref, comme le vent est fort encore deux jours, on reste là et on visite. C’est la deuxième bonne idée après El Hierro aux Canaries. Ne jamais faire l’impasse sur la dernière île !

André et Laurent, arrivés la veille, nous ont concocté un programme de visite en attendant des vents meilleurs. On commence par un apéro (grrrrrr) puis un resto devant la plage, bonne ambiance. Le lendemain, Providence, un Dominicain vient nous chercher en barque pour la visite de l’Indian River. Providence n’est pas moine, vous l’avez compris, natif de la Dominique, il est biologiste de formation (université de Trinidad et Tobago), guide et donc fin connaisseur de son île et des ses secrets.

Il rame sur ce qui était, aux temps des Indiens Caraïbes, un accès au cœur de la forêt de la Dominique. La rivière est une mangrove coupée en deux par l’eau qui est de plus en plus douce au fur et à mesure qu’on remonte. Au détour d’un petit bras secondaire on aperçoit une maison de bois construite il y a… 20 ans. Le Capitaine Jack Sparrow y a élu domicile dans l’épisode 2 de Pirates des Caraïbes. On regardera un des soirs suivant sur notre tablette le film pour y revoir l’environnement mystérieux et paradisiaque de l’Indian River.

Le silence troublé des seuls cris des nombreux oiseaux, la moiteur de l’air, les racines des palétuviers, les fleurs des roses de porcelaine, les crabes sur les rives, les bambous qui bruissent, ici tout n’est que nature, calme et volupté. Providence a réponse à toutes nos questions. Il sait. La forêt est son élément. Nous partageons des bananes qu’il a emmenées avec lui dans son sac. Il a aussi une noix de coco qu’il a pris dans l’arbre de son jardin. Il l’ouvre devant nous avec une facilité déconcertante à l’aide de deux cailloux, un gros puis un petit. Nous buvons le jus de coco frais comme il le fait lui-même tous les jours. Nous parions sur son âge, Florence dit 35, je dis 38, il en a 56. Le jus de coco et la vie « naturelle » conservent.

Le lendemain, Providence nous guide en canot puis en voiture. Il n’y a en fait presque une unique route qui fait le tour de l’île, la partie entre Portsmouth et Roseau a été récemment refaite grâce à un financement chinois. Visite d’un jardin botanique qui présente essentiellement les plantes locales, médicinales, alimentaires, les épices et comme très souvent aux îles une jolie cascade qui nous rappelle par sa forme reconnaissable que la Dominique est volcanique. Providence nous conduit alors vers le Nord puis la côte au vent (l’est de l’île). Nous passons devant des serres et des cultures très ordonnées de toutes les plantes imaginables, il y a même de la vigne. C’est le centre de recherche agricole de l’amitié sino-dominicaine. En face quelques buildings sont en construction. Les écriteaux sont illisibles, sauf pour ceux qui lisent le mandarin. Plus loin, sur la route, des pelles mécaniques et des bulldozers rasent une petite montagne.

La roche extraite sert à combler les ravines ce qui permettra de construire une route plus droite et plus plate entre Portsmouth, les constructions en cours et … l‘Aéroport de l’amitié sino-dominicaine. Les ouvriers sont chinois, le matériel est chinois, ils ne mangent que des denrées venues de Chine. Il n’y a aucun contact entre les chinois et les locaux. On ne sait pas trop pourquoi le gouvernement de Pékin a créé de toute pièce ici un hôpital, une route, un centre de recherche agricole, des buildings et maintenant un aéroport. Providence est peu loquace à ce sujet. Il dit ce qu’il voit mais ne nous confie pas ses pensées. Il dit seulement que cela va changer la vie de certains.

La côte sous le vent est très découpée, on y croise quelques unes des 365 rivières de l’île, une par ravine, on traduirait par « barranco » dans les Canaries. La route tourne sec et chaque virage découvre un nouveau paysage. Des criques, des baies, des plages, chacune différente. Resto typique à Calibishie, le plus beau village de la Dominique d’après Providence. La piña collada y est douce comme l’amour.

Du resto, on remarque au bout de la baie des rochers rouges. Providence nous y amène : Red Rocks, le garde forestier prélève sa dime : 2 ECD, 2 dollars caraïbes pour gérer la protection du site.

Aux Canaries, chaque partie d’une île qui a de la végétation est protégée, rare, remarquable, il ne pleut pas, la roche est nue. Ici, il pleut tout le temps et quelques fois énormément, la végétation est luxuriante et recouvre tout. Le coin protégé est le petit bout d’un petit cap dont les rochers sont visibles, rouge, ocre et jaune, usés et façonnés par l’érosion. Au Tobago Cays dans les Grenadines, ce sont les fonds marins coralliens au raz de l’eau, riches en vie marine, qui font l’objet de surveillance. Merveilles de la Terre vivante végétale, merveilles de la Terre minérale séculaire, merveilles Océanes sous-marines. Que le monde est beau.

Providence sur le chemin du retour arrête son véhicule. De la montagne devant nous tombent des cailloux, beaucoup de sable et quelques rochers plus gros qui roulent et rebondissent. Ce n’est pas un tremblement de terre, c’est la « mine » à ciel ouvert chinoise qui outrepasse quelque peu son droit d’exploitation. Après 3 minutes, alors que la route est complètement bouchée, arrivent deux chargeurs à godets en bute qui ressemble aux Caterpillar 988 de ma jeunesse qui servaient à ramasser le calcaire de la carrière pour remplir les camions quand je travaillais à l’usine de ciment. 1 minute après, les chargeurs chinois, conduits par les ouvriers chinois, dirigés par le contremaître chinois repartent vers la mine où ils travaillent, habitent, mangent, à l’exception de cet aparté, ils sont dans leur monde, Providence est dans le sien. Nous voyons à son regard l’étendue de la différence entre la Dominique, île Nature, île sauvage, île où lui-même vit, biologiste, qui connait chaque plante et ses vertus curatives, chaque fruit et ses qualités nourricières et presque chacun des 70 000 habitants de l’île, versus le monde que préparent les chinois, venus de nulle part pour des contrats inconnus, aux buts géopolitiques invisibles et nébuleux. 10km de trajet retour silencieux dans la voiture.

La Dominique reste dans notre mémoire, à Florence et moi-même, LA bonne surprise des Caraïbes comme l’a été El Hierro après la longue liste des îles de l’Atlantique Est que nous avons visité. Ne pas négliger la dernière halte, ne pas se retourner facilement ou à la hâte. Rien n’est écrit et tout est à découvrir. Ce blog n’est pas terminé, ce post peut-être, mais le voyage continue et promet d’autres belles choses. Garder les yeux grands ouverts, Pierrot, eyes wide open !


P&F

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