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  • Photo du rédacteurFlorence et Pierre

l'Atlantique, la transat, épisode 1

13 janvier 2024 Néphyla est en vol au dessus du point le plus profond de notre traversée en Atlantique : 6380m. Plouf.

« Je lâche symboliquement cet escudo capverdien au fond des plaines abyssales de Gambie ! à l’ouest de Capo Verde. Ô Eole ! Porte Néphyla vers le large, emmène-nous vers le Grand Océan, fais-nous vivre et respirer au rythme de tes vagues. »



C’est marqué sur la carte océanique qu’on a achetée il y a des mois pour y pointer consciencieusement tous les jours l’endroit où nous sommes. Aujourd’hui avec les GPS, on n’a soit disant pas besoin de cartes papier. C’est vrai. Sauf qu’au cas où, on en a emmené quand même une qui fera un beau souvenir avec le tracé du voyage et qui pourrait bien nous aider si d’aventure tout tombait en panne en même temps. Loïc Peyron, le coureur au large, a utilisé une telle carte lors de sa première traversée sur son tout petit bateau. Il naviguait au sextant (mais n’avait pas de montre… déjà raconté dans un précédent blog).

Quand je réfléchissais à quoi écrire en vol, comment raconter la traversée, je me disais que je pourrais écrire façon Bernard Moitessier qui est l’écrivain de voile par excellence avec ses livres, « La longue route » ou « Cap Horn à la voile ». Je viens de finir la lecture du second alors que nous traversons. Le style est certainement copiable, je m’y suis essayé, cela pourrait donner ça :

Samedi 13 janvier, une semaine que nous sommes en mer. Nous avons parcouru 766 Miles nautiques depuis Mindelo au Cap Vert. L’océan nous a gâtés pour ce premier tiers de la traversée avec un vent régulier de Nord-est puis Est de 10 à 18 nœuds maximum. La mer est belle et la pêche a été bonne. Mardi dernier, Florence a pêché son premier poisson.

J’avais mis la ligne de traine et j’étais parti me coucher quand j’ai été réveillé par des cris « il y a un poisson, j’ai attrapé quelque chose ! ». En effet, quelques minutes plus tard un gros Thézard bâtard aux lignes grises verticales brillantes caractéristiques et à la redoutable mâchoire remplissait bien la grande épuisette achetée à l’île d’Yeu. Nous avons économisé comme cela nos victuailles en boites achetées pour les mauvais jours et la fin de la traversée. Le frigo n’est pas encore vide, il nous reste deux courgettes, une patate douce, quelques patates et du fromage du grand magasin de Ténérife.

Aujourd’hui, nous avons eu des nouvelles de nos chers amis de Bohème déjà arrivé en Martinique. Ils sont au port du Marin, reposés et sont partis visiter l’île et la plage de Ste Anne. On fera bien la fête avec eux et nous nous raconterons nos aventures respectives jusque tard dans la nuit quand nous serons arrivés.

Les modèles météo que nous téléchargeons via l’Iridium, notre téléphone satellite, nous prévoient un temps identique jusqu’à mercredi. Ensuite, la deuxième partie de la transat sera plus musclée, le vent passe du vert au jaune orangé, les orages et les grains sont sur le parcours, on commence à en parler, s’y préparer, on imagine mener le bateau, quelles voiles installer et comment les régler. Les possibilités sont nombreuses et nous parlons de chacune pour les comparer. Néphyla nous livre ses secrets petit à petit. Il nous reste beaucoup à apprendre, l’art de naviguer n’est pas simple, c’est Platon et ses copains de l’époque il y a belle lurette qui l’ont dit.


Moitessier aurait rajouté : «  Le profane sera peut-être surpris d’apprendre qu’une carène à peine salie par les algues ou de petites bernicles se voit très ralentie par petit temps. Mais si les anatifes s’en mêlent, cela devient catastrophique car ces crustacés, munis d’un pédoncule offre une résistance considérable à l’avancement. Dieu merci ils ne vivent qu’en plein océan : Le Toumelin (un illustre navigateur) en avait trouvé une multitude et je crois me souvenir que Slocum (un autre illustre navigateur) avait eu l’étonnement d’en trouver de gros colonisant son hélice en laiton. Ils n’avaient pas le vertige ! ». Nous trouverons à l’arrivée en Martinique une grande quantité de ces anatifes sur les bords immergés de la coque de Néphyla après 3 semaines de pleine mer.

Depuis le début de la transat, la pêche nous a bien nourri avec le gros thézard de Florence, deux jours avant il y avait eu en même temps la bonite et une petite dorade coryphène et presque chaque autre jour un autre poisson. Aux petites heures de l’aube, au milieu de mon deuxième quart de nuit, je laisse filer à bâbord ma ligne montée sur la canne équipée du leurre en forme de poulpe jaune et vert et de deux hameçons moyens. J’en envoi une bonne centaine de mètres pour avoir la possibilité de laisser côté tribord une ligne de traîne plus courte que je file à la main et que j’équipe d’un gros leurre bleu et d’un gros hameçon. Celle-là, c’est pour les thons. Mais comme l’a fait remarquer Vesna de notre bateau pilote Mala qui nous précède d’une journée, « But where are the tuna this year ? For the moment, only tuna in cans… LOL ». Mais où sont les thons, cette année, pour le moment, seulement du thon en boite au menu. Rire.

La pêche mord aussi le soir à la tombée du jour, surtout les jours où la lune éclaire fort. En ce moment, peu de lumière de lune, mais les piètres derniers rayons du soleil suffisent aux coryphènes pour prendre mon leurre pour les poissons volants qui sont leur plat préféré. Hop, encore une Coryphène que je vide et nettoie et enfile dans un sac plastique que je conserve au frigo pour les repas de demain. Quatre beau filets, miam miam !

Dimanche 14 janvier, les sargasses sont partout. Ce matin au lever du soleil j’ai encore essayé de pêcher. Je voyais de nombreux poissons volants quitter les crêtes des vagues, face au vent qui décollaient, dérangés par l’étrave de Néphyla et fusaient à raz la flotte en tournant toujours à gauche côté tribord. Certains font presque 60 m comme ça, essayant par leur vitesse hors de l’eau d’échapper aux terribles crocs des coryphènes qui leurs courent après. Quand il y a des poissons volants, il y a à manger pour les coryphènes, que je me suis dit. Alors il y en aura peut-être une qui préférera mon leurre à ces poissons si difficiles à attraper… Cornendieu de Puisangrin pas une ! Mon leurre était envahit encore plus vite par ces P... d’algues jaunes. Elles sont partout. J’ai tenté 10 fois puis renoncé.

J’ai orienté les panneaux solaires à l’arrière du bateau pour capter un maximum de rayons le matin. Je les règle au long de la journée pour recharger nos batteries qui nous servent à éclairer, faire fonctionner le pilote automatique et aussi pour les instruments de navigation. Mais malgré le soleil, cela ne suffit pas. Le frigo et les instruments pompent trop de courant et il nous faut démarrer le moteur tous les soirs pendant une heure puis encore la nuit une autre heure. 3litres de diesel pour le gentil moteur et sa génératrice électrique, miam miam le bon pétrole.

Depuis hier nous avons parcouru 112 Miles nautiques comme nos amis André et Sophie sur Doo-It qui nous suivent avec un jour de retard. Restent 1308 miles d’ici l’île au Ti’Punch. Jean-Mi nous a dit qu’il avait passé une soirée arrosée de la dite boisson et du Planteur. Quelle chance ! Sauf que pour moi, cela ne veut rien dire. Du Ti’Punch, je connais car mon Capitaine Jean-Claude sur Tobago m’en préparait quand on faisait l’apéro au mouillage devant la plage de Sablanceau en face de La Rochelle. Mais je n’ai aucune idée de ce qu’est un Planteur. Vivement dans 2 semaines qu’on goûte tout ça (avec modération).

Je voudrais vous parler d’un truc dont mon pote Jean-Mi parle souvent : les étoiles. Lui, il passe des heures à les regarder. Le soir, quand c’est son quart, il prépare ses petites boissons, des en-cas coupe-faim, de quoi se couvrir et enfin il regarde les étoiles. Il dit qu’elles sont belles. Du coup je me mets moi aussi à les regarder me disant que ça peut être intéressant, par rapport à celles qu’on pouvait voir à travers les hébergements transparents en bulle qu’on avait au bois des granges à Montendre avant de partir. Waouhhh !!! La nuit en plein océan, c’est absolument autre chose que dans la forêt, même si il y faisait bien noir, là, par des nuits sans lune c’est EXTRAORDINAIRE. (Il y en a 1 570 624 de plus qu’à Montendre au moins, je les ai comptées. Rire !!!). Sans perturbation lumineuse d’aucune sorte le ciel se dévoile dans une beauté nue, absolue, irréelle, les astres se fondent en une voie lactée qui blanchit le ciel comme un trait de sauce blanche qu’un cuisinier magicien, imitateur de Michel-Ange, aurait étalé sur un plafond, et au hasard de ses envies zodiacales aurait recouvert de constellations de diamants qui y flottent par milliers, clignotent discrètement ou brillent de mille feux .

Lundi 15 janvier : En astronomie, je n’y connais que dalle, il faut être bien clair. A part Vénus, la grande Ourse et Orion, pour moi, c’est tout du pareil au même. Vénus parce qu’elle brille plus qu’une étoile, la Grande Ourse parce qu’on l’apprend à l’école et que je l’ai pistée à chaque fois que j’ai pu, c’est facile, ça a l’air d’une grande casserole. Et Orion. Encore plus facile, ça fait comme un losange avec au milieu les 3 mages, trois étoiles alignées. Pour voir Orion, en France, il faut regarder au sud. Mais ici (on est au sud, héhé) il faut juste lever les yeux. Le soir, Orion majestueuse se lève à l’Est et prend son envol pour parcourir la voute céleste. Dans la nuit, ses étoiles jouent à cache-cache avec la mature qui se balance au gré des vagues. Bételgeuse la rouge et dans l’autre coin Rigel la bleu, les 3 mages qui font comme une scie sur les haubans, tandis qu’à gauche, Sirius, si brillante qu’on dirait une planète et à droite Aldébaran la rouquine, puis les pléiades, puis…, etc.  



Ô, Orion, montre-moi le chemin de l’île au Ti’Punch ! Ô Néphyla, suit cette pléiade de joyaux scintillants et vogue, vogue, vogue.


P&F

La suite dans l’épisode 2 « Jusqu’ici ça va »   … jusqu’où ?...

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