Mais c'est quoi un étai largable ? Un étai, je vois bien c'est un câble qui tient le mât et qui part depuis l'avant du bateau vers le haut du mât. Alors un truc largable, ça veut dire que le mât va tomber quand on va le larguer?
Un petit dessin vaut mieux qu'un long discours. Dans la première image, Obélix se tient à l'étai. Jusqu'ici tout va bien. Ensuite... !!! Rire. Merci à Uderzo.
Un jour, Florence me dit: "Notre voilier doit remonter au vent. Il nous faut une trinquette ou un foc, surtout pour le gros temps. Notre génois à enrouleur fait une vilaine poche quand on l'enroule et il n'est pas performant." Bon, moi, vous me connaissez, avant de bouger, je réflexionne, je cogite, j'avise, ça coule du jus de mon crâne... Rien à faire, elle a raison. Il faut l'admettre une fois de plus.
En avant pour un foc à installer sur un étai largable, facile.
En fait, pas si facile que ça. Il a fallu lire les forums des gars qui ont un feeling 1090 comme nous et qui ont fait la modification, lire les autres forums des autre bateaux, trouver les éléments théoriques, faire des calculs de résistance de matériaux, acheter de la ficelle, des boulons, faire des trous dans la coque, des épissures... et je ne vous dis pas tout ! (le nom des ficelles, notamment).
Bon, pour les trous dans la coque, mon copain Dédé m'a donné un conseil.
Les trous dans la coque, c'est toujours au-dessus de la ligne de flottaison. Malin Dédé !!
Je mets une photo de l'avant du bateau. C'est compliqué à expliquer là où va l'étai largable. Je n'essaye même pas (c'est ici, non, pas ici, juste ici, un peu plus loin, oui, là voilà, un petit peu plus loin, oui là). Sachez que c'est dans cette zone et que ça fera deux ficelles de plus avec des noms à coucher dehors comme d'habitude.
Comme il faut bien que Florence serve à quelque chose quand je bricole, pour l'occuper, je lui ai demandé de réfléchir à la couleur de la voile. Elle a trouvé. La voile sera blanche. En plus elle m'a dit qu'il n'y avait qu'une couleur. Ça lui a facilité les choses... MDR, comme dirait Gaby, son fils.
Pour la voile, on a demandé à Xavier de DagoSails de nous couper un bout de tissu. Je vous raconterai ça une autre fois. Bientôt on va remonter au vent. Nananère. Je ne sais pas trop à quoi ça sert mais Florence sera contente., c'est déjà ça.
P&F
Finalement je vais un peu expliquer pourquoi on a changé l'emplacement de l'étai largable sur Néphyla. Cela ne sert à rien de lire ce texte très technique si on n'est pas intéressé par la chose, je dis ça pour vous économiser les yeux des 5 minutes de lecture, et je ne parle pas des noeuds dans le crâne quand on réfléchis après la lecture... LOL. Donc pour ceux que ça intéresse, voilà:
Le concepteur du Feeling 1090 a fabriqué un super bateau ! Il a placé une cadène pour l'étai largable entre le mat et le point d'amure du génois, à 2 m environ derrière le génois. Moi ça me va bien.
Sauf que le bateau est d'une part un peu ardent quand on installe un foc sur l'étai à cet endroit et Florence et moi voulons un bateau de croisière et pas un bateau de régate (facile à régler avec un régulateur d'allure sous tous les vents et toutes les conditions de mer, gna gna gna...) et d'autre part cela implique un petit foc max 10 ou12m², à cause de l'emplacement des haubans qui limite structurellement la taille de la voile . En plus avec ce petit foc, on ne peut remonter au vent car on ne peut serrer le foc vers l'axe du bateau, toujours à cause des haubans. Et, sauf à installer un rail d'écoute de foc à l'intérieur des galhaubans (j'ai vu une telle installation sur un feeling 1090, donc c'est possible) on ne peut border correctement. Et quand bien même on installe un rail d'écoute mieux placé, cela ne résout pas le problème de la taille max du foc, limitée au niveau du premier étage des barres de flèche. On imagine bien la taille max du triangle d'un foc limité par les haubans.
Donc l'idée est d'avancer l'emplacement de l'étai largable. Facile... non il y a la baille à mouillage qui fait comme un gros trou exactement là où on voudrait pourvoir installer une nouvelle cadène... Alors ?
On ne peut utiliser la cadène qui est tout près du génois car l'étai largable serait complètement collé au génois et sans parler des frottements contre l'enrouleur, les filets d'air à proximité du génois enroulé sont franchement perturbés et l'efficacité du foc serait très diminuée. Il a donc fallu percer un trou dans le pont du bateau entre la baille à mouillage et le point d'amure du génois.
Ensuite, c'est de la mécanique. On renforce la structure de l'étrave avec une contre-fiche en inox à l'endroit où passe le boulon qui tient l'oeillet d'accroche de l'étai largable.
On fabrique en dyneema (diam 10) une rallonge avec une jolie épissure et une cosse nylon pour y accrocher d'une part le ridoir pélican qui tient l'étai et d'autre part le point d'amure du foc. Le nouvel étai largable est installé en un clic et quelques tours de pélican ce qui est possible aussi avec de la houle. La rallonge d'étai ne gêne pas l'ouverture de la baille à mouillage et on peut également descendre/remonter l'ancre ou effectuer une arrivée au port et attacher les amarres aux taquets avants du bateau sans soucis.
Quelques éléments de théorie des équilibres de voile, c'est facile, vous allez voir, c'est comme un avion, mais en plus simple, comme d'habitude... Rire.
Pour équilibrer un voilier, qu'il soit manoeuvrable facilement, pour qu'il vire bien, mais aussi qu'il reste sur sa trajectoire, il faut que le point où s'applique les forces véliques soit en avant du point où les forces hydrodynamiques s'appliquent. En avant, mais pas trop; entre 10% et 25% de la corde à la flottaison, en anglais, ça s'appelle le "Lead". 10% ardent et manoeuvrant, 25% mou et plus stable sur trajectoire.
Les forces hydrodynamiques ne changent pas (ou très peu). La forme du bateau, la carène, la quille, le safran, tout ça est plongé dans l'eau et ne varie pas.
Les voiles par contre sont très mobiles. Quand le vent monte, on prend un ris, deux ris, trois ris, on diminue la surface de la grand voile GV mais aussi on avance le centre de poussée vélique de la GV. Quand le vent monte, on enroule le génois, on diminue sa surface mais aussi on avance le centre de poussée vélique du génois. En gros, quand il y a du vent les voiles sont plus petites et plus vers l'avant. L'installation du nouvel étai largable situé plus vers l'avant et équipé d'un foc plus grand va rendre le bateau moins ardent et plus stable sur sa trajectoire.
Comme Néphyla n'est pas un bateau mou (sans être un bateau de régate très manoeuvrant), l'idée d'augmenter la surface du foc en avançant son point d'amure ne devrait pas avoir créé trop d'inconvénients par rapport aux avantages que cela donne.
De plus, Florence a eu l'idée de demander à Xavier, Alix et Michel de Dagosails de créer un foc avec un ris. Notre plus grande surface pourra être réduite de 20 à 15m² environ. Aujourd'hui nous avons une trinquette de 17m² très usée. Rien n'empêche d'ailleurs, pour copier justement les nouveaux bateaux de course de modifier le trajet de l'écoute de foc en la faisant passer entre les haubans et le mât quand le foc sera avec un ris, il sera si petit que l'écoute pourra être bordée plus dans l'axe du bateau sans que la voile touche les haubans ni la barre de flèche. Il faudra pour cela une poulie de renvoi accrochée au pied de mat et un anneau de friction (inner-hauler ?).
Avec cet étai largable et ce foc à ris, nous devrions gagner:
* en sécurité avec une remontée au vent possible, même par gros temps,
* en vitesse par rapport au génois peu performant car enroulé dès que le vent est supérieur à 17 noeuds, un foc possède un meilleur écoulement d'air et donc une plus grande puissance de voile,
* sans perdre en manoeuvrabilité en terme de trajectoire du bateau,
* sans perdre également en ergonomie pour effectuer les manoeuvres à l'avant du bateau, installation de l'étai, installation du foc, ancre, amarres, etc.
* sans modification des masses ni ajout de beaucoup de poids,
* sans grandes modifications et donc sans problèmes structurels.
Voilà, bande de terriens, vous pouvez retourner à vos petites affaires, je vous aime.
P.
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